mercredi 17 octobre 2012

COTISATIONS SUR SALAIRES EXCESSIVES A LA CRPCEN


    COTISATIONS SUR SALAIRE EXCESSIVES A LA CRPCEN

                                          UN FINANCEMENT PÉRENNE EST A ASSURER


Pour faire face à des déficits importants dûs essentiellement à la crise économique (131 M€ en 2008 et 182 M€ en 2009) deux décrets ont augmenté, sur proposition du conseil d’administration de la CRPCEN, les cotisations sur salaires acquittées par les notaires et leurs salariés, comme suit :
- décret n° 2009-1742 du 30 décembre 2009 : + 1,63 % pour les salariés, et + 2,15 % pour les notaires.
- décret n° 2011-399 du 14 avril 2011 : + 1 % pour les salariés, et + 3,75 % pour les notaires.
Soit au total : + 2,63 % pour les salarié (taux porté à 13,23 %) et + 5,90 % pour les notaires (taux porté à 28,95 %).
En outre, l’article 31 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 a instauré une cotisation à la charge des retraités couverts par l’assurance maladie de la CRPCEN et non exonérés de CSG. Le décret n° 2011-228 du 1er mars 2011 a fixé le taux de cette cotisation à 1 %.


Le montant excessif de ces cotisations

Deux niveaux de comparaison démontrent le caractère excessif des cotisations sur salaires de la CRPCEN :

1 – D’abord une comparaison faite par la CRPCEN elle-même avec les cotisations qui seraient versées au régime général et aux régimes complémentaires si la caisse n’existait pas.
Cette comparaison établit que les augmentations nécessaires pour mettre à niveau les cotisations sur salaires étaient de + 0,63 % pour les salariés (ou + 0,70 % après actualisation), et + 5,39 % pour les notaires (ou + 5,45 % après actualisation).
Les deux décrets précités, par les taux qu’ils ont fixés, ont donc imposé un dépassement de cotisations de + 2 % pour les salariés (ou + 1,93 % après actualisation), et + 0,51 % pour les notaires (ou + 0,45 % après actualisation).

2 – Ensuite, pour la cotisation des salariés, une comparaison avec le régime de la Fonction Publique pris pour référence par le gouvernement lors de la réforme des régimes spéciaux, et aussi pour l’harmonisation des taux des cotisations des autres régimes spéciaux (notamment la SNCF).
Il en résulte que le taux du régime de la Fonction Publique pour les salariés sera de 11,30 % (10,55 % pour la retraite et 0,75 % pour la maladie) mais très progressivement à l’issue d’une période de montée en charge de 10 ans.
Même en prenant dès maintenant ce taux pour référence, le dépassement imposé aux salariés du notariat est de + 1,93 %, soit le même que dans la comparaison du 1 ci-dessus (taux actualisé).

Il est donc absolument incontestable que les salariés du notariat ont été pénalisés par l’adoption de taux excessifs acceptés par la majorité de l’époque du conseil d’administration de la CRPCEN.


               La question du financement des avantages spécifiques de la CRPCEN

Pour tenter de justifier le dépassement de cotisations précité, le chef de file de la Fédération des Clercs FO, alors vice président du conseil d’administration, a soutenu dans un article du Lien Social (n° 109 de janvier 2011, page 5) que ce dépassement servait au financement des avantages spécifiques de la CRPCEN.
Cet argument est irrecevable puisque ces spécificités sont très largement financées par la cotisation de 4 % sur émoluments et honoraires perçue par la caisse.
Ainsi, une étude actuarielle prenant pour base l’exercice 2008 chiffre à 132 M€ par an les spécificités du régime, alors que la cotisation sur émoluments produit 240 M€. Et si on les compare à la Fonction Publique, les spécificités de la CRPCEN ne comportent que l’assurance maladie et sont limitées à 23 M€.
Au surplus, depuis 2008 les spécificités du régime ont été réduites à la suite des réformes et, à l’inverse, le produit de la cotisation sur émoluments a augmenté par suite de la reprise économique (280 M€ en 2011).
Alors l’ancien vice président clerc FO invoque un autre argument dans l’article précité du Lien Social : la ventilation des nouvelles cotisations respecte la proportion de 2/3 pour les notaires et 1/3 pour les salariés correspondant à l’usage dans le notariat.
Cet argument n’est pas recevable car il ne vaut pas en cas de mise à niveau qui conduit, tant pour les notaires que pour les salariés, à calculer un différentiel par rapport à une cotisation de référence. Mais il vaut pour le dépassement par rapport à cette mise à niveau. Ce dépassement s’élève au total à 2,45 % et la répartition précitée aurait conduit à 1,63 % pour les notaires (au lieu de 0,45 %) et 0,82 % pour les salariés (au lieu de 2 %).
Les salariés du notariat ont donc bien été « floués ».


                                   Et pourtant la CRPCEN n’est pas sauvée

Même si les responsables de la Fédération des Clercs FO (et en premier lieu l’ancien vice président clerc dans l’article précité du Lien Social) claironnent qu’ils ont sauvé la caisse, il n’en est rien.
Le rétablissement de l’équilibre pour l’exercice 2011 (+ 21 M€) reste fragile et est dû pour une bonne part à une forte reprise économique : + 20,04 % en 2011 pour les émoluments, et + 8,04 % pour la masse salariale.
C’est dire que sans cette reprise économique, la CRPCEN serait encore déficitaire malgré les augmentations des cotisations.
C’est dire aussi qu’en cas de nouvelle crise économique (qui n’est pas exclue puisqu’au moment où sont écrites les présentes lignes, octobre 2012, les chiffres de la CRPCEN révèlent une tendance à la stagnation de l’activité notariale), la caisse peut rapidement replonger dans le déficit.
Faudra-t-il alors, puisque le dépassement de cotisations a été admis par le conseil d’administration de l’époque, faire payer à nouveau les salariés ? Pour la CGT c’est non car il y a d’autres solutions ci-après évoquées.
Signalons cependant, pour ne rien cacher, qu’un rapport actuariel de septembre 2011 établit qu’en 2035 la CRPCEN aura accumulé des réserves de près de 6 milliards d’euros.
Si ce rapport est crédible, il n’y a aucune raison de maintenir le dépassement de cotisations imposé aux salariés, et nous l’avons fait savoir au conseil d’administration.
Il nous a alors été objecté que le rapport en question n’était pas crédible car il est fondé sur des hypothèses de croissance économique continue du notariat, peu réalistes. C’est sans doute vrai car l’histoire révèle que le notariat connaît des crises économiques cycliques.
La caisse n’est donc pas sauvée et il n’est pas sain, pour des raisons de communication politique, de tenir un langage soporifique.
Mais il ne faut pas pour autant sombrer dans le pessimisme car des solutions existent pour procurer à la caisse des ressources nouvelles et nous allons l’exposer. Encore faut-il les mettre en œuvre. C’est l’enjeu du débat actuel à la CRPCEN.


Et si les propositions de la CGT et de l’intersyndicale avaient été adoptées ?
Ces propositions comportaient, notamment :
- la mise à niveau des cotisations sur salaires (mais sans les dépassements de 2 % et 0,45 % imposés aux salariés et aux notaires).
- des ressources complémentaires au moyen d’une cotisation supplémentaire sur émoluments, à la charge du client, variable en fonction des besoins de la caisse pour réaliser son équilibre financier.
Cette cotisation d’équilibre sur émoluments pouvait prendre la forme, soit d’une cotisation ajoutée aux émoluments dans la taxe des actes, soit d’une augmentation du taux de la cotisation actuelle couverte par une augmentation du tarif des notaires.
Des arguments forts militent pour cette cotisation d’équilibre :
1 – Elle est conforme à l’esprit qui anima le législateur à la création du régime en imposant une « cotisation additionnelle sur émoluments » pour faire participer le client au financement du régime, au motif que la caisse contribuait à la qualité du recrutement et donc à la qualité du service notarial.
2 – Elle n’a aucun caractère inflationniste car, contrairement à la TVA, elle ne grève pas le pouvoir d’achat des ménages. En effet, l’acte notarié ne fait pas partie du « panier de la ménagère » et le plus souvent il met en cause des montants au regard desquels une augmentation de la cotisation sur émoluments est infinitésimale.
3 – Des régimes spéciaux bénéficient d’une contribution de l’Etat (et donc du contribuable) pour assurer leur équilibre financier.
4 – Cette cotisation permet une contre partie à la perte de recettes imposée à la caisse par la diminution puis la suppression de la compensation spécifique entre régimes spéciaux (manque à gagner pour la caisse de 85 M€ par an, soit environ 1,5 % des émoluments).
Mais cette proposition fut pourtant qualifiée d’irréaliste, voire démagogique, par les notaires et la Fédération des Clercs FO. Jamais, selon eux,  une augmentation du tarif ne serait acceptée par le gouvernement. Même la Présidente du conseil d’administration entonnait ce couplet…
Pourtant le tarif des notaires a été augmenté par un décret du 17 février 2011.
Nous avons appris ce projet d’augmentation à l’occasion d’un rendez-vous au Ministère de la Justice le 4 novembre 2010. Il nous fut indiqué que le texte était en phase de consultation et comportait une augmentation de 7 % (taux moyen estimé).
Immédiatement (courriers du 5 novembre 2010) nous demandions au Ministère et au CSN que le texte soit aménagé pour prendre en compte les besoins de financement de la CRPCEN.
Et les administrateurs membres de notre intersyndicale formulèrent la même requête aux administrateurs notaires et FO.
Mais ce fut une fin de non recevoir.
Et au moment du vote il n’y eut pas véritablement de débat car les décisions avaient été prises avant par les contacts entre le Conseil Supérieur du Notariat et la Fédération des Clercs FO qui ont permis au CSN d’imposer sa volonté. C’est très clairement ce qui ressort d’écrits de la Fédération FO relatant ces contacts.
Encore une fois, le choix fait par cette Fédération de s’isoler en voulant ignorer les autres organisations syndicales a été fatal. Comme lors de la réforme de 2008 elle a refusé la force de l’union, et les salariés supportent les conséquences de sa faiblesse.
Au conseil d’administration il fut passé directement à un vote qui était acquis d’avance :
1 – Vote sur les propositions de notre intersyndicale : vote contre par les administrateurs notaires, et abstention des administrateurs FO permettant aux notaires d’être majoritaires pour le rejet de nos propositions (les administrateurs CFDT et CGC votant pour).
2 – Vote sur les propositions des notaires (avec sur cotisation pour les salariés) : vote pour des administrateurs notaires et FO permettant l’adoption de ces propositions à la majorité (les administrateurs CFDT et CGC votant contre).
Pourtant, si les propositions de notre intersyndicale avaient été adoptées, elles sauvaient vraiment la caisse grâce à la cotisation complémentaire sur émoluments qui, par nature, réalisait l’équilibre financier.
Et ceci sans imposer aux salariés de dépassement de cotisations.
Ainsi, nous avons calculé que nos propositions, appliquées aux données économiques de 2010, aurait produit 48 M€ de ressources de plus que les mesures votées par le conseil d’administration.
Au lieu de cela, loin d’être sauvée, la caisse reste fragilisée et soumise aux aléas des crises économiques.

Nous sommes amers car une occasion historique de réaliser une réforme fondamentale du financement de la CRPCEN a été ratée. Et  il a fallu se contenter de rustines sur les déficits du moment. Décision courageuse, lit-on dans la communication officielle. Assurément NON.
Nous sommes même en colère, car les propos qui furent opposés aux administrateurs de l’intersyndicale quant au caractère inenvisageable d’une augmentation du tarif des notaires étaient faux puisque nous avons appris depuis qu’au même moment des démarches avaient lieu pour ce tarif, mais de manière isolée et donc sans succès.
Nous avons la certitude que s’il avait été fait droit à notre requête de novembre 2010 pour des démarches communes à l’ensemble des partenaires sociaux du notariat, il y avait une réelle chance de succès auprès du gouvernement.
Oui, ce fut vraiment une occasion gâchée.


Un peu d'histoire
 
Le présent article relate les débats récents qui ont abouti à l’augmentation excessive des cotisations sur salaires de la CRPCEN.
Un courrier interministériel du 1er octobre 2009 donna un « coup d’accélérateur » à ces débats qui s’enlisaient à la CRPCEN malgré la dégradation de ses comptes.
Mais, bien avant cela, des initiatives furent prises en faveur d’un système de financement qui garantissait l’avenir de la CRPCEN.
Ainsi, en 1997, notre camarade Pierre LESTARD, alors directeur de la CRPCEN, proposa aux partenaires sociaux du notariat, dans le cadre d’un dossier argumenté qui leur fut remis, de demander pour le régime l’instauration d’une cotisation d’équilibre au moyen de la cotisation sur émoluments.
La Fédération des Clercs FO adopta ce projet lors de son congrès de 1997, mais ses dirigeants, sans doute moins convaincus que leurs militants, ne firent pas diligence pour sa mise en œuvre.
En 2006 le projet fut repris par la CGC et proposé à la CRPCEN. Mais il rencontra une telle opposition dans le groupe de travail compétent, notamment de la part des administrateurs FO, qu’il fut impossible d’en débattre et de le maintenir.
A la commission mixte paritaire du 22 mars 2007, Pierre LESTARD, au nom de la CGT, relança le débat sur le financement de la caisse par un certain nombre de propositions pour son avenir, et notamment :
- la mise à niveau des cotisations sur salaires.
- une cotisation sur émoluments permettant « le financement des prestations pour la part dépassant celle des régimes de droit commun » (en fait, reprise du principe de la cotisation d’équilibre).
Puis le 19 octobre 2007, dans le cadre des négociations sur la réforme des régimes spéciaux, la CGT confirma sa demande relative au financement de la CRPCEN.
Cette demande fut annexée au procès-verbal de la commission mixte paritaire du 8 novembre 2007.
Elle se heurta à un refus de négociation de la part des notaires qui considéraient, à tort, que la réforme des régimes spéciaux ne devait concerner que les prestations du régime. Or le document d’orientation du gouvernement prévoyait la possibilité d’ajouter d’autres thèmes à la négociation sociale. La demande de la CGT resta malheureusement isolée.
En 2008, le dossier fut repris à son compte par l’intersyndicale CGT-CFDT-CGC (et ensuite la CFTC), et porté au conseil d’administration par les administrateurs CFDT et CGC (seuls élus de l’intersyndicale, à l’époque).
Avec pour résultat… le rejet décrit plus haut.

Mais il est clair que la CGT-Notariat a été anticipatrice dans ce dossier, suivie ensuite par l’intersyndicale. Et si au lieu d’être rejetées les négociations avaient pu s’ouvrir dès 2007, peut-être que la caisse aurait disposé de ressources nouvelles pour mieux faire face à la crise de 2008-2009.
Il a manqué pour cela une union totale des organisations syndicales puisque la Fédération des Clercs FO a choisi l’isolement qui a rendu le CSN maître du jeu.
Alors ses dirigeants, au lieu de s’autoproclamer « sauveteurs »  devraient réfléchir aux méfaits de la division et en tirer les conséquences pour l’avenir.
Les salariés l’ont bien compris en accordant 61 % de leurs suffrages, lors du scrutin de 2011 à la CRPCEN, aux candidats des organisations syndicales qui avaient choisi de s’unir pour mieux défendre leurs intérêts.
Ceci mérite d’être souligné pour que la réalité historique ne soit pas altérée par des communications trompeuses et récupératrices.
En tous cas la CGT-Notariat, malgré les difficultés relationnelles avec la Fédération des clercs FO, reste ouverte au dialogue pour l’union de toutes les forces syndicales, car c’est l’intérêt des salariés et retraités du notariat au moment où l’avenir de la protection sociale, et donc de la CRPCEN, est en débat.


Et maintenant ?

Depuis ces évènements, à la suite des élections de 2011 pour le renouvellement du conseil d’administration de la CRPCEN, les administrateurs élus sur les listes de l’UNION POUR LA CRPCEN (regroupant CGT-CFDT-CGC-CFTC) sont devenus majoritaires dans les collèges des salariés et retraités.
Ils ont repris à leur compte la demande d’un financement pérenne pour la CRPCEN et la suppression du dépassement de cotisations imposé aux salariés.
Et ils en ont saisi le conseil d’administration en demandant que la question soit portée à l’ordre du jour de la séance du 13 décembre 2011.
Cela a valu à la Présidente les reproches de l’ancien vice président clerc FO pour avoir accepté cette demande, alors que par application des textes elle y était tenue. Comprenne qui pourra…
Néanmoins, le conseil d’administration a accepté de prendre en compte la demande des administrateurs de l’UNION POUR LA CRPCEN, et a décidé d’ouvrir des discussions au sein du « Groupe de travail pour l’avenir du régime ».
Les travaux sont en cours et la question des cotisations, notamment, va être abordée.
Un autre article du présent blog traite de la demande formulée par les administrateurs de l’UNION POUR LA CRPCEN et des positions qu’ils défendent.







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