mercredi 24 octobre 2012



LA RÉFORME DE 2008 A LOURDEMENT PÉNALISÉ LES
                           SALARIES DU NOTARIAT

C’est un document gouvernemental d’orientation du 10 octobre 2007 qui a fixé le cap pour les négociations de branches en vue d’une réforme des régimes spéciaux, avec les principales orientations suivantes :
- allongement de la durée de cotisations pour une retraite à temps plein, de 37,5 ans à 40 ans.
- instauration d’une décote si certaines conditions d’âge et de durée d’activité ne sont pas remplies
- instauration d’une surcote sous conditions de durée d’activité et d’âge (au-delà de 60 ans).
- maintien des âges en vigueur pour l’ouverture du droit à retraite.

Le décret n° 2008-147 du 15 février 2008 applique à la CRPCEN les trois premières mesures précitées (il va même plus loin que le document d’orientation s’agissant de la durée de cotisations qu’il porte progressivement à 41 ans).

Mais, en contradiction avec le document gouvernemental, il modifie aussi l’âge de la retraite existant à la CRPCEN à 55 ans sous certaines conditions, pour le porter progressivement à 60 ans.

C’est surtout en cela que la réforme a été plus dure à la CRPCEN que dans les autres régimes spéciaux qui, eux, ont maintenu leur âge de départ en retraite même lorsqu’il était inférieur à 60 ans (exemple : le régime de la SNCF).


                     La retraite à 55 ans existait pour tous à la CRPCEN

Ce droit existait sous réserve de réunir au moins 25 années de cotisations.
Dans les textes de la caisse il était instauré seulement pour les Femmes. On sait à cet égard qu’il y avait débat sur la conformité de ces textes avec le droit Européen sur l’égalité entre les Hommes et les Femmes, mais un arrêt du Conseil d’Etat de 2006 avait tranché en considérant que la disposition qui n’accordait pas aux Hommes les mêmes droits qu’aux Femmes était illégale. Ce faisant, le Conseil d’Etat avait appliqué la « clause du traitement le plus favorable » édictée par la jurisprudence de la Cour de Justice de la Communauté Européenne.
Autrement dit, en l’état des textes de la caisse, Hommes et Femmes pouvaient bénéficier de la retraite à partir de 55 ans s’ils réunissaient 25 années de cotisations.
C’est si vrai que la Cour de Cassation accordait ce droit aux Hommes qui engageaient des procédures face au refus de la CRPCEN.


                                     Une précipitation coupable

Dans le cadre des travaux en vue de la réforme, la CGT-Notariat fut reçue au cabinet du Ministre du Travail le 18 décembre 2007 pour exposer sa position sur l’application à la CRPCEN du projet de réforme des régimes spéciaux.
Sur le sujet de l’âge de la retraite, il est vrai que le Ministère, sachant que la Fédération des Clercs FO allait donner son accord pour le passage à 60 ans, n’était guère favorable aux propositions de la CGT-Notariat (voir ci-après les développements sur la position de la CGT-Notariat).
Mais il est tout aussi vrai que le Ministère n’a pas exigé « un délai le plus court possible » comme certains l’ont prétendu. Notre interlocuteur a au contraire admis que l’abandon de l’avantage de la retraite à 55 ans devrait donner lieu à des négociations quant aux modalités, et notamment un étalement dans le temps.
Dès lors que la transition vers 60 ans était acceptée dans son principe, le Ministère ne faisait pas de la durée de l’étalement un point de blocage et se disait disposé à envisager un délai bien supérieur à 5 ans.
Pourtant, lors de la séance de la commission mixte paritaire du 10 janvier 2008, le Conseil Supérieur du Notariat fit une proposition de passage progressif de l’âge de la retraite de 55 ans à 60 ans, à raison d’un recul de 2 semestres par an, soit une transition en seulement 5 ans.
La Fédération des Clercs FO donna immédiatement son accord. La CGT et la CFDT votèrent contre. La CGC estima devoir s’abstenir en considérant qu’une étude était nécessaire avant toute prise de décision.
Selon la Fédération des Clercs FO, le Ministère menaçait de prendre une mesure immédiate de passage à 60 ans. Or, comme rappelé ci-dessus, ce n’est pas ce qui nous a été dit lors de nos contacts avec le Ministère du Travail. En fait, la Fédération des Clercs FO, en situation d’isolement pour avoir voulu agir seule et ignorer les autres organisations syndicales, n’a pas résisté à la pression.
Au surplus, le chef de file de cette Fédération, par ses déclarations à la commission mixte paritaire, semblait ne pas avoir réalisé que, de fait par les arrêts du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation, le droit de faire liquider la retraite à 55 ans existait aussi bien pour les Hommes que pour les Femmes sous réserve de réunir 25 années de cotisations.
Et c’est bien pourquoi il n’y avait pas à prendre une décision avec une telle précipitation, coupable selon nous, pour peu que la CRPCEN veuille bien accepter d’appliquer la jurisprudence précitée.
Dans la négociation, il fallait s’en tenir au document gouvernemental d’orientation qui maintenait les âges de retraite en vigueur, et programmer pour la question de l’égalité entre les Hommes et les Femmes une négociation séparée afin d’appréhender ce sujet sereinement sur la base d’une réflexion approfondie de tous les partenaires sociaux du notariat.
Le gouvernement, malgré l’absence d’unanimité des partenaires sociaux, mais prétextant l’accord des employeurs et du syndicat alors majoritaire (FO), s’empressa de prendre le décret mettant en œuvre, notamment, la mesure de recul à 60 ans de l’âge de la retraite.
C’est ainsi que les salariés au Notariat, à cause du Conseil Supérieur du Notariat et de la Fédération des Clercs FO, ont eu le « privilège » de subir la réforme la plus dure de tous les régimes spéciaux.
La CGT-Notariat, pour aller au bout de sa démarche de défense des intérêts des salariés, engagea une procédure devant le Conseil d’Etat pour contester la légalité du décret. Mais, avec des attendus contestables, le Conseil d’Etat rejeta cette requête.


  Etalement du recul de l’âge de la retraite : 5 ans ou 10 ans ?

Dans leur communication, le CSN et la Fédération des Clercs FO, relayés par la CRPCEN, n’ont cessé de prétendre que la transition entre l’âge de 55 ans et celui de 60 ans a été prévue en 10 ans.
C’est une tromperie manifeste, destinée à « faire avaler la pilule » plus facilement par les salariés.
Car un recul au rythme de 2 semestres par an aboutit, arithmétiquement, à passer de 55 à 60 ans en 5 ans.
L’astuce de communication a consisté à prendre pour référence les salariés nés en 1958 pour lesquels l’âge de la retraite à 60 ans est en atteint en 2018, soit 10 ans après le décret de 2008.
Mais ces salariés, à défaut de réforme, auraient bénéficié de leur retraite à 55 ans seulement en… 2013.
Et ils passent à 60 ans de 2013 à 2018, soit en… 5 ans.
La période avant 2013, n’est pas de l’étalement, mais seulement le délai d’attente obligatoire en vertu des anciens textes.
Un véritable étalement sur 10 ans aurait prévu un recul d’un semestre par an (au lieu de 2 semestres), et le salarié né en 1958 aurait bénéficié de sa retraite à 57,5 ans (au lieu de 60 ans).
Mais ce n’est pas ce qu’ont accepté le CSN et la Fédération des Clercs FO qui ont imposé aux salariés du notariat la réforme la plus sévère.


                        Les propositions faites par la CGT-Notariat

La CGT-Notariat a voté contre la position adoptée par le CSN et la Fédération des Clercs FO.
Mais elle n’a pas fait que s’opposer : elle a aussi formulé des propositions argumentées, notamment sur cette question de l’âge de la retraite.
On sait qu’on ne réécrira pas l’histoire mais, pour une exacte vision d’une histoire qui ne correspond pas à la communication « officielle », il est utile de rappeler les propositions qui furent faites par la CGT-Notariat.
Avant même que le gouvernement n’impose la réforme des régimes spéciaux, la CGT-Notariat avait adressé au Conseil Supérieur du Notariat, début mars 2007, un document de 8 pages contenant ses propositions comportant deux grands chapitres :

1 – Pour les négociations en commission mixte paritaire en vue d’une réforme ayant pour vocation de conforter l’existence du régime et ses avantages, dans le cadre de « l’échéance 2008 » fixée par la loi Fillon du 21 août 2003, et compte tenu des préconisations du Conseil d’Orientation des Retraites.
On note que parmi les mesures proposées par la CGT-Notariat figurait une disposition qui a été satisfaite par le décret du 15 février 2008 : l’alignement du taux d’annuité de pension prévu pour les carrières inférieures à 15 ans, avec celui prévu pour les carrières supérieures à 15 ans, soit un taux unique.

2 – Plus précisément pour l’égalité entre les Hommes et les Femmes, et particulièrement pour l’âge de la retraite, demande de négociations en deux phases :

Phase 1
● aménagement des textes de la caisse pour donner aux Hommes des droits identiques à ceux des Femmes. Il s’agissait en fait de mettre les textes en conformité avec la jurisprudence du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation qui reconnaissait aux Hommes réunissant 25 années de cotisations le droit à la retraite à 55 ans.
● décision qu’à l’issue d’une période à convenir (par exemple 5 ans), la question ferait l’objet d’un réexamen en fonction de l’impact financier de la mesure ci-dessus, et des résultats de la négociation ci-après sur les conditions d’emploi des salariés âgés, préconisée par le Conseil d’Orientation des Retraites pour rendre effectif l’emploi desdits salariés.
● ouverture de négociations en commission mixte paritaire sur les conditions d’emploi des salariés âgés, pour des mesures spécifiques au Notariat venant en complément du « Plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors ».

Phase 2
A l’issue de la période « provisoire » évoquée dans la phase 1 :
● constat de l’impact financier de l’alignement des droits des Hommes sur ceux des Femmes.
● constat du résultat de la négociation sur l’emploi des salariés âgés.
● négociation pour des mesures définitives qui, si elles devaient reculer l’âge de la retraite, pourraient ne s’appliquer qu’aux futurs salariés ou, à tout le moins, être largement étalées dans le temps.

C’est à la réunion de la commission mixte paritaire du 22 mars 2007 que ces propositions de la CGT-Notariat furent exposées.
Elles furent balayées d’un revers de manche par le CSN et la Fédération des Clercs FO qui, par refus de discuter avec la CGT-Notariat, prétextèrent que ces questions devaient être traitées au conseil d’administration de la CRPCEN (à l’époque la CGT n’y était pas encore représentée).
Et, bien sûr, la requête de la CGT ne fut jamais portée à l’ordre du jour dudit conseil d’administration.


                                  Une occasion ratée

Lorsqu’en mars 2007 la CGT-Notariat présenta ses propositions, il était encore possible aux partenaires sociaux du Notariat d’examiner ces questions sans précipitation et de conduire une réflexion approfondie pour la recherche d’une solution consensuelle.
Cette occasion fut ratée par le refus du CSN et de la Fédération des Clercs FO. Ce refus eut pour conséquence des négociations, quelques mois plus tard, dans le cadre de la réforme des régimes spéciaux projetée par le gouvernement selon un calendrier serré. Négociations incluant, en contradiction avec le document gouvernemental d’orientation, la question de l’âge de la retraite.
Et c’est dans ce contexte que la Fédération des Clercs FO accepta dans la précipitation un accord « bâclé » proposé par CSN à la réunion du 10 janvier 2008 précitée.
Il n’est pas inutile de noter que le gouvernement avait considéré que la commission mixte paritaire était compétente pour conduire les négociations. C’est en effet éclairant sur la soi-disant impossibilité invoquée par le CSN et la Fédération des Clercs FO pour refuser de discuter des propositions de la CGT-Notariat.


                            Ultime proposition de la CGT-Notariat

Dès le 19 octobre 2007, soit seulement 9 jours après le document gouvernemental d’orientation, la CGT-Notariat aménagea ses précédentes propositions de mars 2007 pour tenir compte du cadrage par le gouvernement du projet de réforme des régimes spéciaux.
Ce document de 12 pages fut annexé au procès-verbal de la réunion de la commission mixe paritaire du 8 novembre 2007… mais n’y furent pas discutées.
Sur la question de l’égalité entre les Hommes et les Femmes et ses conséquences sur l’âge de la retraite, la CGT-Notariat acceptait de faire évoluer sa position dans le cas où les négociations permettraient d’établir une égalité dans tous les domaines  et si, par ailleurs, l’harmonisation de l’âge de départ à la retraite était réalisée pour l’ensemble des régimes spéciaux.
Dans cette hypothèse, sa proposition aménagée était la suivante :
- pour les salariés ayant 25 années de cotisations à la date d’effet de la réforme : âge maintenu à 55 ans pour tous (droits acquis).
- pour les salariés ne réunissant pas 25 années de cotisations à la date d’effet de la réforme : passage progressif de 55 ans à 60 ans à raison de 4 mois par an (soit en 15 ans).
On a vu ci-dessus qu’à la séance de commission du 10 janvier 2008 le CSN formula une proposition immédiatement acceptée par la Fédération des Clercs FO, de sorte que, une fois de plus, les propositions de la CGT-Notariat ne purent être discutées.


                                                           Conclusions

Qu’aurait été le résultat des négociations demandées si elles avaient pu avoir lieu ? Nul ne le sait, mais on peut penser que si la Fédération des Clercs FO n’avait pas fait alliance avec le CSN au lieu de se solidariser avec les autres organisations syndicales, un étalement sur 10 ans (soit 6 mois par an) était envisageable.
Mais un dialogue social « tronqué » a été fatal aux salariés du notariat.
Quel gâchis !

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